Transition, démocratisation et climat : les enjeux du vin bio

En 2019, ce sont 14% des vignobles français reconnus en conversion et/ou certifiés bio. Véritable phénomène de consommation, la surface de vignobles bio a doublé en l’espace de huit ans. La France s’affiche alors 3ème sur le podium mondial de la production du vin bio, derrière l’Espagne et l’Italie. Une démocratisation de taille, alors que la production ne cesse d’être impactée par les changements climatiques. Entre les difficultés de ces derniers et les critères stricts de la production du vin bio, la conversion n’est pas la plus aisée. Qu’en est-il pour les vignerons? Ils appartiennent au Beaujolais, aux coteaux du Lyonnais ou encore de la Vallée du Rhône, et livrent leurs expériences en tant que producteurs bio. 

 

Les domaines des Pampres d’or, Eymin Tichoux ainsi que du Château de la petite Gallée sont orchestrés de la même manière, en bio, depuis 5 à une vingtaine d’années. Les vignerons de chacun de ces domaines racontent leurs débuts en bio. Dans leur récit, des périodes divergent mais les témoignages concordent quant à leur transition. 

Sophie Eymin pour le domaine Eymin Tichoux –  « Le bio était pour nous une évidence »

Jeune domaine en bio depuis sa création en 2015, le vignoble Eymin Tichoux a été motivé à se lancer d’emblée dans le bio. C’était pour eux une évidence, pour la préservation de la santé de leurs consommateurs et des vignerons, tout comme celle de l’environnement. « Le bio, c’est la véritable expression du terroir, authentique, et ça se ressent dans la qualité-même du vin. On savait que c’était l’avenir de la viticulture. »

 

Bérengère Perras pour le domaine des Pampres d’Or 

Le domaine existait déjà depuis trois générations. Certifié en agriculture raisonnée Terra Vitis depuis 1999, le vignoble avait déjà l’éveil du bien-être environnemental et de ses salariés. En effet, ils suivaient donc un mode d’exploitation qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs (définition du développement durable). La restructuration de l’entièreté du domaine a été achevée en 2015. Espacer les pieds, en replanter de nouveaux… la transition s’est faite sur trois ans, comme le consigne le label AB. « Lorsqu’on replante ou réassort, il n’y a pas de rendement pendant trois ans. C’est pour cela qu’on ne peut pas faire la transition de l’entièreté du vignoble d’un coup.»


Patrice Thollet du domaine de la Petite Gallée
 –  « Pour passer au bio, il faut y aller petit à petit »

Un domaine transmis depuis cinq générations soit depuis 1880. Patrice Thollet, installé depuis 1991à la Petite Gallée, a eu le déclic de passer en bio à partir de 2003 lors d’une première cuvée. En 2007, il débute la conversion de ses dix hectares en bio, qui s’achève dès 2010. Il enchaîne ensuite par le passage en biodynamie (pour en savoir plus sur la biodynamie, rendez-vous sur notre article sur le sujet).

Le désherbage, l’un des défis du bio, a été un changement du tout au tout pour l’exploitation, comme pour tant d’autres. En effet, on passe du passage annuel de pesticides à un désherbage 4 à 5 fois par mois et par hectare, par session qui varient entre 2 et 6h. Un travail colossal, réalisé à la main ou à l’aide d’outils créés à cet effet. Ses vins sont issus de raisins bios mais les vinifications le sont aussi. Le vignoble est donc passé en biodynamie, et depuis, d’autres mesures ont été prises, comme l’installation de 600 mètres de haies autour de l’exploitation ou encore de nichoirs pour les oiseaux. Un véritable équilibre est maintenu.

 

pexels Ⓒ marc-winter - Salon du Vin Bio

Le bio : des difficultés d’application certaines

Les trois domaines sont unanimes : cela représente un réel investissement quant aux outils de travail. Mais le véritable enjeu du bio, c’est la gestion du désherbage et la protection des vignes contre maladies et champignons. Les environnements de travail varient très facilement en France. Cela requiert des outils spécifiques d’adaptation, comme par exemple pour s’adapter aux rocailles des coteaux du Lyonnais.

D’autre part, des charrues et des treuils ou encore des chenillards adaptés aux pentes de la Vallée du Rhône sont devenus nécessaires : une diversité logistique qui n’existait justement pas il y a vingt ans, comme l’expliquait Patrice Thollet. C’est pour cela qu’il a dû au départ chercher à concevoir ses propres outils, plus adaptés au terrain. 

Que cherchent les consommateurs dans le bio?

«Je privilégie les vignerons en permaculture», se livre un consommateur.
«Le bio vient en bonus après coup, mais souvent les deux vont de paire donc cela m’arrange bien!»
Du côté des vignerons, les clients viennent d’abord pour leurs crus de renom. Le bio vient en complément, mais la sensibilité des consommateurs se dirige surtout vers la permaculture, soit le respect de l’environnement.
« La clientèle vient dans une démarche écologique, ayant cette sensibilité pour l’environnement, se fidélise si les vins lui plaisent », déclare Bérengère Perras.
Une fidélité liée à un faible choix dans le bio ? C’est ce qu’on pourrait penser: selon un sondage Opinion Way, 48% des Français souhaiteraient un plus large choix de vins bio, et 41% des sondés considèrent le bio comme leur principal critère d’achat de vin. 

 

Les labels, un encadrement et un soutien de taille

Les vignerons ayant témoigné présentent chacun divers labels. Gage de qualité et de confiance pour les consommateurs, c’est un critère important de la valorisation de leur travail et de leur accompagnement. Il y a d’abord le label Agriculture Biologique, essentiel pour le vin bio. Par ailleurs, 98% des Français connaissent le logo Agriculture Biologique, et 67% des acheteurs prennent en considération si une bouteille de vin est labellisée ou non, selon le baromètre Sowine/Dynata 2021. Aussi, pour accompagner les vignerons et agrandir leur réseau, Biodyvin a été mentionné plusieurs fois : un label traçant l’éthique de la vente du vin et gage de qualité. 

 

Les changements climatiques, facteurs contraignants et aggravants

Ce n’est malheureusement pas une légende urbaine : si la température venait à augmenter de 2 degrés d’ici la fin du siècle, les vignes seraient contraintes d’être déplacées à mille kilomètres plus au nord. Vins plus sucrés, avec de fortes teneurs en alcool, les récoltes seraient irrévocablement impactées.
Tandis qu’auparavant du sucre était parfois ajouté à l’étape de la vinification, ce n’est plus nécessaire aujourd’hui. Cette augmentation de température aura des répercussions directes d’un déficit en eau et précipitations, avec en somme un taux plus fort d’évaporation des sols.

La grêle est également un grand danger ; Patrice Thollet l’a bien constaté cette année : « On a perdu au moins la moitié des potentielles récoltes après l’épisode de cette année. Mais les dommages ne sont pas vraiment identifiables, puisque ce n’est pas parce qu’on perd 75% de la récolte qu’on va perdre 75% de la production. »
La date des vendanges est également un indicateur de l’impact des bouleversements climatiques. Au Domaine des Pampres d’Or, deux générations en arrière, les vendanges avaient lieu en octobre voire à la mi-septembre au plus tôt. Il en allait de même pour le domaine de la Petite Gallée : depuis quelques années, la récolte a généralement lieu à la fin ou même au milieu du mois d’août. 

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Article écrit par Nastasya Sorribes, étudiante en journalisme, mis à jour le 13 Septembre 2021